Port-Mort, le gravier de Gargantua


Retour index

Article mis en ligne le 14 novembre 2018.

Retour à la page d'accueil Voir toutes les publications par carte Pour m'écrire

Port-Mort, le gravier de Gargantua

 

SITUATION GEOGRAPHIQUE
Pays : France
Département : Eure
Commune : Port-Mort

A Port-Mort, petite commune de l'Eure non loin de Gaillon se trouve un menhir dressé en bord de route. Celui-ci a été nommé le gravier de Gargantua ... Voilà donc encore que ce célèbre géant a retiré un petitcaillou de sa chaussure et l'a laissé planté là ?!

C'est d'ailleurs bien cette version qui est contée sur le panneau d'information qui jouxte ce rocher quelque peu atypique en ce lieu. Deux versions en sont données, mais toutes deux narrent bien le gravier du soulier ...

"Le Prévost, en 1830, conte que Gargantua construisait la côte dite "côte frileuse" qui est devant le château de Graville, quand il sentit un caillou dans sa chaussure.

Il l'enleva et le lança loin derrière lui. Ce gravier retomba à son emplacement actuel."

 

Le comte Pulligny, en 1879, donne pour sa part, une version légérement différente.

Selon lui, Gargantua et Grandgousier étaient un jour dans la tant jolie ville de Mantes. De hardis voleurs enlevèrent leurs chevaux et se sauvèrent par le chemin suivant la Seine qui mène aux Andelys.

Gargantua et Grandgousier firent donc grand hâte pour rejoindre les larrons.

Mais arrivé à Port-Mort Gargantua se trouva bien empêché, il s'assit sur le bord de la route et, ayant détaché son soulier, il en retira une pierre qu'il jeta en ce lieu au grand ébahissement des gens de Panilleuse qui revenaient du marché.

 

 

Si Gargantua est connu de tous (car qui n'a pas lu Rabelais à l'école ?!) ... c'est qui ce Grandgousier ?

Oups ... j'ai oublié mes cours en fait ;)

Grandgousier n'est autre que le père de Gargantua dans l'oeuvre de Rabelais.

Lui aussi un géant donc, mais il semblerait qu'il ait eu de meilleurs souliers que son fils, car je ne connais pas de "gravier de Grandgousier" !

nbsp

Si l'on veut laisser un peu de mystère à cette pierre il faut s'arrêter de lire à cet endroit de la page / du panneau, car après, des esprits bien plus terre-à-terre viennent nous faire part que la présence de cette pierre ne serait en rien mystérieuse, voire même qu'elle serait utilitaire. Quels casseurs de rêves !!

Nous sommes ici, à Port-Mort, en bordure de Seine et, dans les temps anciens, ce fleuve a présenté la particularité de pouvoir être traversé à gué. Il existe, en effet, au travers du lit de la rivière, une barre rocheuse dont on s'est d'ailleurs servi :
1. A l'époque gallo romaine pour construire une route d'Eburovice (Evreux) à Bellovaci (Beauvais) franchissant la Seine à gué au droit de Châteauneuf.
2. Au siècle dernier pour établir un barrage destiné à élever le niveau de ce fleuve afin de faciliter la navigation.
Un gué traversant la Seine, c'est un itinéraire qu'il était peut-être bon de signaler pour faciliter les déplacements. C'est une hypothèse plausible.

Plus proche de nous, le dernier châtelain de Port-Mort, le Comte de Graville nous a appris que cette pierre a marqué, au Moyen Age, la limite entre le royaume de France et le Duché de Normandie. Cette limite a toujours été fluctuante mais à un certain moment, le gravier de Gargantua aurait servi de borne pour matérialiser cette frontière.

Le gravier est plus long que large, et fut malheureusement cassé par un ouvrier peu scrupuleux !

"Nous savons par le Comte du Douet de Graville, que son arrière grand oncle a demandé, lorsqu'on a élargi la route, que l'on déplace le gravier de quelques mètres afin d'éviter sa destruction. Il nous précise que l'ouvrier qui a été chargé de ce déplacement moyennant un salaire de 150 frs, a trouvé un moyen ingénieux de gagner cette somme en une seule journée. Il a en effet, cassé le monolithe au ras du sol, en laissant en terre un tronçon de un mètre ! Le morceau que nous voyons aujourd'hui n'est donc que la partie haute du monolithe original... Le Comte de Pulligny nous rassure cependant en rapportant que le Comte du Douet de Graville a pu obtenir que le monolithe déplacé soit replanté en respectant scrupuleusement son orientation primitive."

La légende de Gargantua dans l'esprit populaire

On pourrait supposer que la légende vient du héros du célèbre roman de Rabelais, mais il faudrait alors qu'à la fin du XIXème siècle cette oeuvre fusse étudiée dans les campagnes les plus reculées. Non ... la légende de Gargantua était, déjà, bien avant répandue dans presque toutes les provinces de France.

Les traditions populaires donnaient ainsi à ce géant nommé Gargantua tout un ménage et toute une garde-robe suivant ce que peuvent évoquer les formes diverses et bizarres de ces grosses pierres naturelles ou de ces mégalithes. Son ménage était surtout constitué, évidemment, par ce qui lui servait à manger et à boire et aussi un peu à dormir et à s’asseoir.

Ainsi, on trouve, un peu partout en France, des pierres à aiguiser, des soupières, des écuelles, des verres, des cuillères, des chaises, des sièges, des fauteuils, des lits, etc ... appartenant tous à Gargantua !

Ce qu’on retrouve de sa garde-robe se compose principalement de la partie basse de celle-ci : souliers, sabots, galoches, bottes, cannes, etc ... ; la partie supérieure s’étant sans doute perdue dans les nuages : on ne peut découvrir de celle-ci que ses lunettes qu’il avait sans doute laissé tomber !

Il était tellement grand qu’on ne peut trouver enterrées que de petites parties de son squelette : on a ainsi le tombeau du petit doigt de Gargantua, d’une de ses dents, etc ...

Il était tellement lourd qu’il a imprimé ses empreintes dans de nombreux rochers comme dans la cire molle : on voit en beaucoup d’endroits les marques die ses souiliers, de son postérieur, etc ... !

Ses excréments solides ont formé des montagnes (les monts Gargan), ses déjections liquides, des rivières.

En général, les mégalithes sont, soit des pierres qui s’étaient introduites dans ses souliers, comme des cailloux dans ceux d’un homme ordinaire, et qu’il avait jetées, soit des palets avec lesquels il avait joué, soit enfin des pierres à aiguiser. Tel est le cas du Verzieux de Gargantua, un menhir que l’on peut voir près de Bois-les-Pargny. Les tumulus ont été formés par la boue de ses souliers qu’il a secoués pour les décrotter.

La hottée, c'est à dire le contenu de sa hotte qu’il a renversé, se trouve à Molinchart dans l'Aisne, mais aussi à Domont près de Vernon dans l’Eure et une troisième qui forme la colline de Mussay dans l’Ain.

Les prêtres du christianisme primitif, voyant qu’ils ne pourraient extirper des croyances populaires une légende si profondément enracinée, assimilèrent Gargantua au Diable. Il y a justement une "Hottée du diable" dans la forêt de Fère-en-Tardenois (Aisne). C’est un chaos rocheux.

Certains auteurs, se basant sur le fait que le mythe de Gargantua est surtout répandu en France et en Grande-Bretagne, pensent que c’est une légende gauloise.

(extrait d'un texte de G. DUMAS., Directeur des Services d'archives de l'Aisne)

 


 

Sources :
- le panneau d'information présent sur le site
- La hottée de Gargantua à Molinchart et la légende de ce géant dans les traditions populaires
- Agence de tourisme temporel vernonnaise - le gravier de Gargantua
- Port-Mort, site officiel, le gravier de Gargantua

 


 

Retour index

accueil accueil toutes les publications par carte mailto:photos@piganl.net