Article mis en ligne le 5 avril 2020. |
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La première chose que le visiteur découvre, c'est cette immense grille monumentale en fer forgé qui laisse deviner au loin de beaux bâtiments.
Cette grille date de 1784, a été remaniée au début du XIX ème siècle et est entourée de douves sèches. En regardant de plus près, le premier bâtiment qui se devine à l'horizon ne ressemble pas vraiment à des ruines d'une ancienne abbaye. Il va me falloir revoir ma copie ... Il faut croire que j'avais mal préparé ma visite, car le lieu n'abrite en effet pas que les ruines d'une vieille abbaye ... en même temps, c'est souvent ce qui est présenté comme carte postale du lieu quand on recherche l'abbaye d'Ourscamp ! [mode #PasMaFauteSiJeSuisMalRenseignée !!] Cessons ce manque de culture. Je vais commencer par fournir un plan pour illustrer un peu le sens de la visite.
En tant que visiteur lambda, vous ne franchissez pas directement les portes de la grille monumentale bien évidemment, et vous passez par les "communs" (billetterie, boutique, ...). De là vous pouvez rejoindre l'allée centrale qui fait face à l'immense bâtiment devant vous. Face à vous, le pavillon central, une ancienne façade d'église qui coupe ce grand bâtiment en deux.
Arrêt obligatoire sur cette façade, non pas pour sa beauté architecturale unique au monde !, mais pour cette statue bien particulière qui l'ornemente.
Si je ne connaissais pas la légende de l'ours, j'ai eu l'impression d'y voir, de loin, plutôt un mouton. C'est le pelage qui a du me jouer ce tour ! Mais non, il s'agit bien là d'un ours ... l'ours de l'abbaye. Ourscamp, littéralement Ursus Campus, le "domaine d'Ursus" tire probablement son nom de l'un des premiers propriétaires des lieux, mais la légende nous conte une toute autre histoire lié à la présence de Saint Eloi dans la région. A la fin de sa vie, Saint Eloi est nommée évêque de Noyon, une retraite bien méritée après une vie remplie de bonnes oeuvres. Les travaux d'un petit oratoire avaient commencé et des chariots tirés par des boeufs apportaient les matériaux nécessaires à sa construction. Un jour, un de ses chariots fut attaqué par un ours sorti du bois voisin. Attiré par les cris du boeuf dévoré par l'ours, Saint Eloi accourut et dompta l'ours en quelques mots. L'ours dompté, Saint Eloi fit prendre la place du boeuf qu'il avait tué, à l'ours et l'ours resta sous le joug de l'attelage jusqu'à la fin de la construction de l'oratoire. C'est ainsi que le lieu prit le nom d'Ourscamp, "le champ de l'ours"
Il est possible que cette légende vous en rappelle d'autres, car en effet, il existe de nombreuses histoires qui relient un saint au domptage d'une bête sauvage. Comme le dit si bien wikipedia, l'hagiographie abonde d'exemples où des saints apprivoisent des ours, tels saint Blaise, saint Colomban, saint Gall, saint Martin (d’où le nom de Martin fréquemment donné à l’ours). Tous avaient pour fonction de lutter contre les cultes païens liés à l'ours. L'ours sauvage y dévore souvent la monture ou la bête de trait d'un saint, ce dernier forçant l'ours à remplacer son animal (généralement un âne, une mule ou un bœuf) et à porter ses bagages ou tirer une charrue ; saint Éloi, saint Claude, saint Arige, saint Corbinien et saint Viance apprivoisèrent chacun un ours de cette façon. Saint Florent de Saumur parvient à faire garder ses moutons par un ours, Aventin de Larboust ôte une épine de la patte d'un ours, et il existe de nombreuses histoires de saintes épargnées par un ours. Selon la légende, sainte Richarde bâtit l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Andlau grâce à une ourse qui lui montra l'emplacement." Et donc non, l'abbaye d'Ourscamp ne serait pas unique en cette légende, mais gardons nous bien de ne pas y croire :) Cette façade est le "centre" d'un bâtiment constitué de deux ailes. A droite, l'aide dite "de Lorraine", et à gauche l'aile dite de "Gesvres". La première est en ruines, détruite par des bombardements lors de la première guerre mondiale, en 1915, et jamais reconstruite depuis. La partie gauche était autrefois le logis de l'abbé, et sert aujourd'hui de logement à la communauté religieuse qui s'est établie ici depuis plusieurs dizaines d'années.
Pour la suite de la visite, il suffit de franchir le porche de la façade principale, et vous voilà face aux ruines de l'ancienne abbatiale, sur une allée couverte de petits arbres représentant les anciennes colonnes du monument. L'effet est assez spectaculaire, car nous donne l'impression que l'on est littéralement conduit vers le choeur.
De cette abbaye du XIIe siècle, il ne reste que des ruines tendues vers le ciel. D'une beauté à couper le souffle, le site entraîne le visiteur au fil d'un long parcours historique.
Construite au XIIe siècle, l'abbaye s'est appuyée sur une première pierre posée en 641 par le futur saint Eloi, conseiller du roi Dagobert. On raconte même qu'il avait dompté un ours, fort utile aux gros travaux : d'où le nom d'Ourscamp...
Les siècles et les guerres ont façonné le lieu, pillé pendant la guerre de Cent Ans, en partie reconstruit à la fin du XVIe siècle, revendu après la Révolution française, transformé en hôpital, en manufacture de coton (l'une des plus belles de France), puis occupé par les Allemands durant la Première Guerre Mondiale. Bombardée en 1915 par les Français, l'abbaye est en ruine, elle ne reprendra vie qu'en 1941, grâce à l'arrivée de religieux qui s'y trouvent encore.
Je comprends l'attrait pour ces ruines, elles sont magnifiques, ciselées vers le ciel.
L'histoire de l'abbaye nous est contée sur le site officiel, je ne saurai le copier ou paraphraser inutilement et vous invite à le lire pour en apprendre plus sur l'histoire des lieux. Ici, nous apprécierons la quiétude des lieux via ces quelques photos.
Une croix tendue
Vue des ruines depuis le jardin
Un moine discret veille sur le jardin, Ã l'ombre d'un vieil arbre
Après les ruines de l'ancienne abbaye, nous voilà devant un bâtiment fort bien conservé extérieurement, l'ancienne infimerie ou "salle des morts".
L'infirmerie, considérée comme la plus belle infirmerie conventuelle de France, date de 1220. Son rôle a décru avec le nombre de moines. Cependant, on y a toujours emmené les mourants, ce qui explique le surnom de "salle des morts" qui est le sien depuis le XVIIIe siècle. Aujourd'hui, elle est reconvertie en église. Longue de 46 mètres, elle comprend trois vaisseaux de huit travées. (source)
L'intérieur était en travaux lors de mon passage, la refection entière du sol.
Derrière le bâtiment, les jardins continuent, plus privés. Laissons les moines dans leur quiétude.
Pour finir cette page, je vous propose de voir la légende de l'ours sous un autre angle ...
La légende [...] rapporte que l'ours qui peuplait les solitudes des Gaules avant l'invasion du christianisme, ne vit pas avec plaisir l'établissement de l'homme dans son voisinage, et qu'il travailla de tout son pouvoir à lui susciter des obstacles. Si bien qu'un beau matin, sur les rives de l'Oise, une de ces bêtes sournoises eut l'inhumanité de dépareiller un attelage de boeufs qui s'apprêtait à creuser un premier sillon dans le sol vierge d'une forêt dénudée. Le boeuf mort, le meurtrier l'emporta dans son antre. Mais un ours et un boeuf ne s'en vont pas comme cela, l'un portant l'autre, sans laisser quelques traces de leur passage à travers la feuillée ; le ravisseur, d'ailleurs, qui comptait sur l'impunité, n'avait pas cru devoir dissimuler sa piste; son imprudence le perdit.
Il se trouva en effet, que le hasard, avait amené le jour même, sur les lieux, un pieux personnage aimé de Dieu, se nommant évêque de Soissons ou de Noyon, le même qui fait tant pleuvoir. Or, la nouvelle de l'attentat étant arrivé jusqu'à lui, avant que le corps du délit ne fût entiérement consommé, le digne evêque saisit avec empressement cette occasion admirable de faire un de ces miracles qui sont d'une si grande efficacité en matière de prosélytisme au débiut des religions neuves. Il se rend sur le théatre de l'accident, suit la bête à la trace, pénètre dans son fort, l'avise, l'interpelle, et après lui avoir adressé une réprimande sévère sur sa gloutonnerie, lui annonce, que le Seigneur, en punition, la condamne à remplacer à la charrue le boeur innocent qu'elle a traîtreusement occis. Puis, prenant par l'oreille l'ours intimidé et docile, il le conduit au champ du travail, au milieu des applaudissements de la foule enthousiaste, qui n'en demandait pas tant pour se convertir au Christianisme. L'histoire ajoute que la bête, ainsi subjugée par la parole du saint homme, édifia longtemps le pays par sa conduite exemplaire et son zèle, et qu'elle vécut toujours en bonne intelligence avec son compagnon de travail. Heureux temps où la foi produisait de tels miracles ! Essayez donc d'imposer de pareils pénitences aux bêtes féroces aujourd'hui !
C'était là le moins que la piété des fidèles consacrât par un monument quelconque la mémoire d'un événement aussi remarquable. Une église fût donc bâtie sur le lieu même où le saint opéré son miracle, sur le champ labouré par l'ours; de là le nom d'Ourscamps.
[...] On vient de voir avec quelle docilité les ours de la légende catholique endossent le harnais de la charrue, quand ils en sont requis par de saints personnages. La chronique hérétique, la moscovite, l'asiatique, l'indienne, l'arménienne et l'américaine, fournissent, comme la catholique et la grecque, une foule de témoignagnes respectables attestant tous, sinon la haute intelligence de l'ours, du moins la placidité de son caractère, sa bonomie et sa crédulité. La mythologie païenne savait bien ce qu'elle faisait quand elle métamorphosait en ourses ke jeune chasseur Arcas et sa mère, et qu'elle leur donnait dans les cieux une place d'honneur, les chargeant de servir de guides aux voyageurs qui circulent la nuit sur la terre et sur l'onde.
Ourscamps ! C'était au sein de cette superbe forêt domaniale que ma laborieuse paresse avait rêvé le doux asile des vieux jours; là que les destins adoucis m'avaient permis naguère de déployer ma tente, là que l'affinité des humeurs et des goûts m'avait créé de nobles et nombreuses amitiés. Adieu donc à vous tous, mes bons amis chasse, mes fidèles compagnons de tous les jours, si gais dans les revers ! Adieu mes pauvres faisans, mes dix-cors et mes biches, par moi, si magnaninement ménagés pour les plaisirs d'autrui ...
... L'ours de la forêt ...
    Edit du 6 avril 2020 --
J'ai publié cet article hier, 5 avril. Aujourd'hui, je cherche des photos pour un nouvel article. Je remonte un peu plus loin dans mes albums ... 2012 ... Ourscamp ... ah oui, juste la grille peut-être ?! ah non ... les mêmes photos, sous un ciel beaucoup plus gris, toujours au mois d'avril par contre.
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